© Guillaume Braunstein

Stefan Le CourantEthnographie des migrations et des frontières

Médaille de bronze du CNRS

Anthropologue au Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS, CNRS / EHESS), spécialiste de l'étude des migrations et des frontières, Stefan Le Courant porte son regard sur les politiques d’encadrement des migrations, et leurs impacts sur les trajectoires et les expériences migratoires. Après avoir mené une enquête de six ans auprès de personnes sans-papiers à Paris et dans sa périphérie1, où il raconte des vies façonnées par la crainte de l’arrestation ou de la dénonciation, il consacre ses recherches aux politiques de dispersion migratoire. Par cette ethnographie au plus près des expériences quotidiennes, il esquisse une véritable anthropologie de l’État français où l’explicitation des interactions ordinaires avec l'administration permet de saisir comment celle-ci traite les migrants, et comment ceux-ci s'en accommodent et réagissent. Plus récemment, en Côte-d'Ivoire et au Nigéria, il ouvre de nouveaux terrains dans les lieux de départ des migrants.

À l’université Paris Nanterre, alors étudiant en ethnologie, Stefan Le Courant répond à l’appel d’une association, la Cimade, afin d’observer des audiences dites de 35bis où se décide l’enfermement d’étrangers en centre de rétention. Il s’intéresse alors « aux formes de politisation, de résistance, d’opposition aux expulsions qui pouvaient naître de la part des étrangers eux-mêmes depuis ces centres ». Nourri par l’idée de faire de « l’anthropologie du proche », il consacre sa thèse, dirigée par Georges Augustins (dont est issu l’ouvrage Vivre sous la menace. Les sans-papiers et l’État2), aux conséquences intimes des politiques de contrôles migratoires en France sur les étrangers en situation irrégulière3.« J’ai tenté de saisir jusqu’où ces politiques étaient capables de s’infiltrer et je me suis intéressé à la méfiance comme modalité de rapport aux autres et au monde ». À partir des expériences ordinaires qu’elles façonnent chez les personnes concernées, il décrit ainsi ce que sont les existences menacées. 

« En suivant les trajectoires de ceux qui avaient été arrêtés, enfermés dans un centre de rétention, mais avaient finalement échappé à l’expulsion, j’ai tenté d’approcher la menace de l’expulsion comme un instrument à part entière des politiques d’encadrement des migrations ».

Après un post-doctorat au sein du programme ANR Babels4 dirigé par Michel Agier, il participe au projet européen RE-ROOT5 consacré aux processus d’intégration à travers les échanges de savoirs entre anciens et nouveaux migrants. Il enquête sur deux terrains : « l’un dans un petit village du nord de l’Espagne où je suis une initiative d’accueil de jeunes hommes au sein d’un programme de formation à l’agriculture biologique ; l’autre en Bretagne où je me suis intéressé à un mouvement de rejet d’un programme d’accueil de familles réfugiées ». 

Plus récemment, Stefan Le Courant s’intéresse, en Côte d’Ivoire et au Nigeria, aux absences énigmatiques et aux réactions locales face aux disparitions liées au régime frontalier contemporain : « des lieux de départ des migrants pour interroger l’absence, la disparition et l’incertitude quant au sort des personnes parties tenter la migration ». Investi dans plusieurs revues telles que Tracés, Monde commun et Ethnologie française, il enseigne également dans le master Migrations (ICM – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / EHESS). 

« J’interprète cette médaille comme le témoignage de l’intérêt de mes pairs pour les thématiques abordées par mes travaux. Cela m’encourage à poursuivre dans la voie d’une approche ethnographique des questions politiques ».

 

Notes

  1. Ces étrangers qui vivent sous la menace de l’expulsion : https://lejournal.cnrs.fr/articles/ces-etrangers-qui-vivent-sous-la-menace-de-lexpulsion
  2. Vivre sous la menace. Les sans-papiers et l’État, Paris, Le Seuil, 2022. Prix « Livre et Droits humains », Prix Paris-Liège de l'essai, Prix de l'écrit social.
  3. Chaque année, près de 40 000 personnes sont enfermées en centres de rétention.
  4. Babels : Ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville (ANR-16-FASI-0005).
  5. Projet H2020 RE-ROOT - Arrival Infrastructures as Sites of Integration for recent Newcomers (2021-2025).