© Vincent Moncorgé/CNRS/Femmes&Sciences

Alexa DufraisseArchéobotaniste

Ambassadrice "La Science taille XX elles" édition Paris/Ile-de-France 2025 

 

Directrice de recherche au laboratoire BioArchéologie, Interactions, Sociétés, Environnements (BioArch, CNRS/MNHN/Inrap), Alexa Dufraisse s’intéresse aux restes de bois carbonisés, témoins d’un passé à la fois biologique et culturel. Cette spécialisation pointue l’a conduite à coordonner un important projet de recherche après l’incendie de Notre-Dame de Paris.

 

Si beaucoup d’enfants s’intéressent aux dinosaures, Alexa Dufraisse, elle, en était passionnée, au point de passer ses étés sur des chantiers de fouilles. Au fil des années, elle continue d’arpenter les sites archéologiques mais n’y cherche plus des fossiles de diplodocus : désormais, ce sont les restes de végétaux qui l’intéressent. L’étudiante s’est en effet orientée vers l’archéobotanique, une discipline qui vise à reconstituer les paysages du passé et à comprendre ce qu’ils révèlent des sociétés humaines. Après une thèse à l’université de Franche-Comté à Besançon et quatre années de post-doctorat en Suisse, Allemagne et Papouasie, la jeune femme entre en 2006 au CNRS, où elle est aujourd’hui directrice de recherche. Sa spécialité ? L’étude du charbon de bois, également appelée anthracologie.

Le bois carbonisé se conserve dans les sédiments pendant des millénaires. Et même carbonisé, le bois demeure une archive extrêmement précieuse : la largeur des cernes, ces anneaux qu’on observe sur les troncs et branches coupées, tout comme la taille des vaisseaux qui conduisent la sève ainsi que la composition chimique du bois permettent d’identifier les espèces d’arbres, leur provenance et même le type de forêts à laquelle ils appartenaient. Alexa Dufraisse récolte aussi des informations sur le climat d’autrefois ou encore la manière dont une forêt était exploitée, qui en dit long sur la relation entre une société et son environnement. Pour elle, la recherche s’apparente à un puzzle sans modèle et avec des pièces manquantes. En plus de fournir une image du passé, comprendre comment des arbres ont réussi ou à non s’adapter peut par ailleurs nourrir la réflexion sur les politiques forestières actuelles.

Si l’archéobotaniste étudie souvent des charbons vieux de 5 000 ou 6 000 ans, depuis 2019, ses recherches se concentrent sur le Moyen Âge, et pour cause : après l’incendie de Notre-Dame de Paris, le CNRS et le ministère de la Culture lancent un grand chantier scientifique, à côté de la reconstruction. Alexa Dufraisse prend la tête du groupe « Bois et Charpente ». Au-delà de la datation, à l’année près, de certaines poutres, les 70 spécialistes sont parvenus à caractériser l’état des forêts et le climat de l’époque. Signe qu’une catastrophe peut, malgré tout, faire avancer la recherche.